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Gave d’Oloron : des saumons … mais de quelle souche ?

Publié le : 6 août 2018

GAVE D’OLORON : DES SAUMONS, MAIS DE QUELLE SOUCHE ?

Pierre Affre qui pêche le Gave d’Oloron depuis un demi-siècle est persuadé que les saumons qui sont revenus assez nombreux ces dernières années sur l’axe Adour/Gaves, ne s’arrêtent plus une fois passé le barrage de Masseys, dans les pools à mouche d’anthologie, qui ont fait en été, la réputation de cette rivière entre Navarrenx et Oloron

Vendredi 8 juillet 2016. Dominique est venu me chercher ce soir à la gare de Bayonne. Après nous être régalés de chipirons et de darnes de merlus, tout frais pêchés par son cousin, nous nous sommes couchés de bonne heure, il est cependant minuit, en vue de la longue journée du lendemain qui nous attend.

Ce matin, petit déjeuner à 7h, car il nous faudra une petite heure de route pour rejoindre Navarrenx, où nous avons décidé de nous arrêter au pool Masseys, côté Susmiou, pour prendre la température du Gave, au propre comme au figuré…Nous nous attendions, comme il est déjà huit heures et demi du matin de trouver au moins trois ou quatre pêcheurs à la queue leu leu dans le courant en aval du barrage plus quelques autres assis dans la cabane, à attendre leur tour. Mais non, surprise ! il n’y a tout en tête du coup, qu’un seul moucheur qui allonge comme un métronome avec sa 16 p carbone au moins 15 m de « shooting head » suivis d’une bonne vingtaine de mètres de running line…Personne dans la cabane, pour les infos, nous repasserons ! Pour la température, je profite des trois petites marches qui descendent au bord de l’eau, pour sans avoir besoin d’enfiler les waders, constater qu’elle est « seulement » à 15,5 °c….Les nuits doivent être encore fraiches en montagne dans les vallées d’Aspe et d’Ossau. Sur n’importe quelle rivière à saumons, 15,5 °c est une température idéale en été, pour faire monter un saumon sur une mouche…Le ciel est très couvert, la tête du pool Masseys est splendide, et si le pêcheur qui la peigne consciencieusement avançait un peu plus vite, je me serai volontiers mis derrière lui. Mais comme au saumon pas plus qu’au cinéma ou à la caisse des supermarchés, je n’aime attendre, nous décidons d’aller voir plus haut…

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Au pool Masseys, il y a toujours plus de monde dans la cabane que dans l’eau

Dix minutes plus tard nous sommes à la sablière de Sus, splendide petit courant à mouche, encore bien à l’ombre. Je reprends la température, toujours 15,5 °c et d’un coup mon moral remonte…Si un saumon sorti du trou en fin de nuit, est venu s’oxygéner dans les petites vagues du courant, sans doute une petite mouche ne le laissera pas indifférent. La veine d’eau contre la petite falaise ombragée est tellement belle et rapide à peigner que j’y ferai même un deuxième passage avec une mouche un peu plus grosse, mais sans plus de résultat…De là, nous décidons d’aller voir plus haut, là où à défaut de saumons, il y aura surement des pêcheurs avec qui discuter…Il est dix heures et demi, quand nous arrivons sur un de mes coups favoris du gave : Coutubi. En arrivant, nous croisons dans la grande allée qui mène à la ferme, une voiture immatriculée dans les Côtes d’Armor, avec deux pêcheurs qui viennent de terminer la passée. Il n’y a pas d’autre voiture, et nous serons seuls, sinon les premiers, dans l’ombre de la petite forêt de grands bambous qui bordent la fin du courant et l’entrée du trou de Coutubi. Dominique me laisse faire la première passée. Le niveau est parfait, peut-être encore un petit peu fort pour le milieu du courant, mais c’est surtout en tête et encore plus, en fin de courant, juste avant l’entrée de la fosse, que ça se passe où plutôt devrais-je dire, que ça se passait autrefois. En fin de courant, le fond remonte sensiblement et il est facile sans surtout trop s’avancer, de couvrir les deux grandes dalles presque blanches qui marquent au milieu du Gave la fin du courant.

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La fin du courant et l’entrée du trou de Coutubi

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Le coup de Coutubi avec rive gauche « la forêt de bambous »

En juillet 1973, alors que je venais de lui gaffer un petit 6 kg, le forgeron de Gurs, monsieur Loustalet, me les avais indiquées et m’avait dit que les saumons qui sortaient du trou, tôt le matin ou tard le soir, aimaient à s’y reposer et y étaient très mordeurs. J’y avais pris l’année suivante, un joli 5 kg 800 tout blanc, mais surtout en 1976, j’y avais pris le deuxième de mon unique doublé du gave…Le premier m’avait tiré la ficelle avec une fougue incroyable dans la tête du courant, alors que le second, sur la grande dalle blanche, avait juste arrêté la dérive de ma soie. Mais je savais bien que là, il ne pouvait s’agir d’autre chose que d’un saumon. J’avais simplement maintenue la tension qui se faisait de seconde en seconde plus pesante, en attendant que le courant qui rabattait la soie vers ma rive, fasse riper la mouche dans la gueule de ce bécard de 8 kg 200, déjà un peu coloré. Joseph Peyran, le propriétaire de la ferme de Coutubi m’avait raconté que juste avant-guerre et alors qu’il avait à peine dix huit ans, il avait gaffé pour monsieur Steward, un Anglais qui pêchait assidument le gave dans les années trente, un grand mâle assez rouge d’un peu plus de 18 kg…Ce grand saumon avait-il pris la Jock Scott de monsieur Steward sur l’une des dalles blanches, il ne le savait pas, mais c’est à l’entrée du trou alors que l’immense poisson tournait depuis plus d’une demi-heure en eau profonde, et que monsieur Steward s’époumonait à appeler à l’aide, qu’il l’avait gaffé. Pour le remercier monsieur Steward lui avait fait cadeau de la mouche. Jusqu’au milieu des années soixante, il se prenait en été, essentiellement à la mouche entre trente et quarante saumons sur ce seul coup de Coutubi. Comme d’ailleurs sur la plupart des grands pools « classiques » entre Navarrenx et Oloron : La Crampe de Dognen, le pont de Préchacq, le bac d’Aren, Les platanes, le couloir d’Orin, le plateau de Biteille, pour ne citer que ceux là.

Après Coutubi, nous nous sommes arrêtés sur le Pont de Préchacq, qui enjambe le Gave une bonne quinzaine de mètres au dessus de l’eau. Il y a un seul pêcheur en vue en amont dans le magnifique virage dit de la laiterie, où le grand Lucien Bonnenfant a pris autrefois tant et tant de saumons. Personne en aval où les grandes barres de schiste appelées loses en Béarn, barrent le gave sur les deux tiers de sa largeur. Je n’ai jamais tellement aimé ce coup du pont de Préchacq, sans doute parce que je n’y ai jamais rien pris ou manqué, et comme il est bientôt midi, nous poussons jusqu’au Bac d’Aren, probablement le pool le plus pêché du gave en été. Un seul pêcheur termine la passée mais nous apprend qu’il y a trois ou quatre « touristes » qui depuis ce matin font le coup des Platanes, juste en amont. La veille un tout petit saumon d’1,6 kg y a été capturé, ce qui explique sans doute cet engouement ce matin pour ce pool où il faut marcher un bon kilomètre, depuis le parking du camping du d’Aren. Comme il est trop tôt pour déjeuner, nous nous mettons à l’eau, devant le tas de cailloux et attaquons la descente du courant du Bac. Je passe devant avec ma 12 pieds Farlow « spliced » en deux brins que j’ai équipé d’une shooting head flottante bricolée à partir d’une soie Spey n° 9/10. Comme le niveau est assez bas, je peux m’avancer suffisamment pour que ma mouche tombe là où il faut, dans la bande d’ombre que les acacias, ménagent encore contre la rive opposée. Le courant assez uniforme du Bac est un des plus beaux coups à mouche, où que ce soit dans le monde.

Surement depuis le 10 juillet 1967 où j’y pris mon premier saumon à la mouche, un splendide poisson de 9,380 kg, l’ai-je peigné plus de cinq cent fois…Si je n’y ai pris au cours de ces cinquante dernières années que quatre saumons et raté trois autres, j’y ai vu marsouiner ou sauter après le passage de ma mouche des dizaines et des dizaines d’autres. Quand je pêchais assidument le Gave, tous les mois de juillet de 1967 à 1976, il était rare le matin ou le soir de ne pas voir bouger un ou plusieurs saumons à l’entrée du trou ou dans le courant du Bac. Neuf fois sur dix, ces poissons n’étaient pas mordeurs, ayant vu des dizaines de mouches tous les jours depuis le début juin…mais au moins étaient-ils là, stationnés dans l’immense et profonde fosse, sous le moulin de Saucède, à attendre le mois de décembre, pour s’installer sur les frayères d’Aren. Et au cœur de l’été, ces poissons qui pouvaient être une trentaine à une cinquantaine, selon les années, à occuper ce trou, venaient à intervalles réguliers se dégourdir les nageoires dans le courant, où l’un ou l’autre pouvait se décider à mordre. De même était-il rare, lors d’une passée à Aren, de ne pas ressentir l’émotion d’une vive tirée, due à d’imprudents tacons ou tocans comme disent les Béarnais. Quand ils passaient les vingt centimètres, Raymond Pourrut les appelait des tocans doubles. Alors canne sous le bras, je les ramenais lentement à la soie, en espérant qu’ils n’aient pas trop engammé la grande mouche. Malheureusement, la plupart du temps, les pointes de l’hameçon double étaient piquées derrière la langue, tant ils étaient voraces. Quelquefois l’une des pointes ressortait près d’un oeil et comme ces poissonnets, même maintenus à l’envers dans la main, sont extrêmement remuants, il était difficile de les décrocher sans dommage. Je pestais quand je voyais un pêcheur, ayant cru à la tirée d’un saumon, les ramener à grandes brassées de soie, tout en les faisant ricocher en surface pour leur arracher la mouche avec brutalité avant de les rejeter dédaigneusement. N’étaient-ils pas l’avenir de la rivière ? Il est vrai qu’il y en avait beaucoup et que le soir sur certains courants, nous arrêtions de lancer nos mouches à truites, tant ils étaient nombreux et actifs. Certains pêcheurs de truites, à la « bulle » ou à l’asticot (autorisé à l’époque), n’hésitaient pas, eux, à les garder, car ils étaient paraît-il délicieux en friture. L’année dernière et cette année encore, en utilisant pourtant de petites mouches à saumons, lors d’une bonne dizaine de journées, passées à peigner les pools entre Dognen et Oloron, je n’ai pas eu à décrocher le moindre tacon…De même n’ai-je pas vu le moindre gobage de truite, sur des coups comme le Bac, Biteille ou les Platanes où tous les soirs, quand l’Angélus avait fini de sonner dans les villages, la rivière se réveillait sous des nuées de phryganes et que les grosses truites se mettaient à gober jusque dans la nuit largement tombée.

Pour les truites, quand entre Sauveterre et Oloron, on ne voit plus une seule prairie avec des vaches comme autrefois, mais des champs de maïs se succédant tout du long et sur les deux berges de la rivière, on comprend que lors des orages et ils sont fréquents en Béarn, les pesticides ou comme il faut dire aujourd’hui, les produits phytosanitaires finissent en bonne partie dans le Gave où leurs effets sur la faune d’invertébrés aquatiques sont certainement les mêmes que sur les invertébrés des sols, c’est à dire l’éradication. Sans parler de leur toxicité, dont nulle étude à ma connaissance, ne s’est jamais inquiétée, sur les alevins et juvéniles en croissance, en dehors de toutes façons, de les affamer… Pour les tacons, en revanche, je ne pense pas, que ce soit une toxicité directe ou un manque de nourriture, qu’il faille incriminer, pour la bonne et simple raison qu’il n’y a tout simplement plus de juvéniles de saumons sur cette portion du Gave entre Navarrenx et Oloron, là où se reproduisaient avant les années quatre-vingt, 80 à 90% des saumons de la souche Gave.

Ces dernières années, alors que la qualité de l’eau, du moins en hiver, au moment de la fraye, est bien meilleure qu’elle ne l’était il y a trente ou quarante ans, aucune frayère n’a été recensée sur les coups de Sus, de Dognen, de Préchacq, d’Aren, d’Orin, de Biteille ou de Légugnon. Cherchez l’erreur, quand dans le même temps et surtout depuis ces trois dernières années, on estime entre cinq et dix milles saumons les remontées sur l’axe Adour-Gaves. Oui, mais voilà, ces saumons dont « officiellement » d’après les déclarations à la Capitainerie de Bayonne, 1200 à 1500 s’emmèlent les nageoires dans les filets dérivants de l’estuaire et des Gaves réunis, dont 300 à 500 sont déclarés selon les années par les pêcheurs à la ligne, dont 800 ou 900 sont comptabilisés par les caméras de surveillance au barrage de Charrite sur le Saison et dont plus de 2000 sont dûment filmés dans l’échelle à poissons du barrage de Masseys à Navarrenx (sans parler de ceux qui par bons niveaux sautent le passe-lit), ces saumons ne sont pas des saumons de la souche Gave d’Oloron.

Depuis les repeuplements massifs à partir de souches écossaises et … autres, de la fin des années 70 et 80 et surtout depuis la réouverture des hautes vallées en amont d’Oloron, il y a un bon quart de siècle, ils sont devenus des saumons de souche Aspe et Ossau, qui une fois passé Navarrenx, à partir du début juin, n’ont qu’une idée ou plutôt un tropisme en tête: rejoindre au plus vite avant que l’eau ne baisse trop et ne se réchauffe (pour cause de pompage pour l’irrigation du maïs), la fraicheur des eaux de leur jeunesse, dans les vallées pyrénéennes d’Aspe et d’ Ossau. C’est là qu’ils sont nés et ont grandi jusqu’à leur smoltification, et c’est sur ces deux affluents qu’avec une précision infaillible de « homing », ils reviennent retrouver les frayères mêmes où leurs mères ont retourné les galets et enfouis les œufs fécondés par les mâles. Bien sûr, une fois passé Navarrenx, ils pourraient s’arrêter dans une bonne dizaine de grandes fosses, aux eaux fraiches en profondeur, comme à Sus, Dognen, Préchacq, Aren, Poey, Orin et beaucoup d’autres, pour y passer l’été et attendre l’époque hivernale de la reproduction. Mais voilà, ils ne sont pas nés sur les frayères des coups précités, et n’ont donc aucune raison de stationner entre Navarrenx et Oloron, là où autrefois les saumons de la souche Gave étaient cantonnés de force (puisqu’au delà d’Oloron, ils n’avaient pas accès à l’Aspe ou à l’Ossau) ou de raison (puisqu’ils étaient nés là, sur les nombreuses frayères réparties entre Navarrenx et Oloron.

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Le bas du couloir d’Orin où il se prenait autrefois à la mouche plus de 100 saumons

Une fois passé Navarrenx, personne ne les revoit !

L’année dernière à partir de la fin Mai et surtout en juin-juillet, plus de deux mille saumons ont été controlés « vidéo » dans la passe du barrage de Masseys à Navarrenx…2207 pour être précis d’après Migradour, en fin de saison. Or cette année là, en 2015 donc, seuls une vingtaine de saumons ont été déclarés capturés au dessus de Navarrenx. Cette année, au 31 juillet, date de la première fermeture, un peu plus de mille saumons, ont emprunté la passe mais seulement sept ont été déclarés pris en amont de Navarrenx, soit 2% des 317 captures déclarées depuis le début de l’année sur l’ensemble du gave d’Oloron. Sept captures pour mille saumons, qui auraient dû se trouver sur la vingtaine de kilomètres de gave entre Navarrenx et Oloron, cela ne reflète pas la pression de pêche locale et touristique, qui sévit sur cette portion du gave en juin-juillet.

Un fois qu’ils ont passé Navarrenx, ces mille saumons (deux milles l’année dernière), personne ne les revoit !… S’ils s’arrêtaient, ne serait-ce que seulement quelques jours, cela ferait entre 20 et 50 saumons par fosse de repos, et vu le nombre de pêcheurs en juin-juillet qui lancent leurs mouches dans les courants qui aboutissent à ces fosses, il s’en prendrait cent ou deux cent selon les années (10% au moins de ce qui a passé Masseys) et à tout le moins on en verrait « bouger », marsouiner ou sauter, des dizaines tous les jours et sur tous ces grands coups d’anthologie. Mais voilà, si on en prend si peu et on en voit encore moins, c’est que dans une eau dont la température varie en juin-juillet entre 12 et 17 °c, ils ne s’arrêtent pas et avalent cette portion du gave au cours de la première nuit qui suit leur passage dans l’échelle, tant ils sont pressés d’arriver dans les vallées sanctuarisées d’Aspe et d’Ossau. Leur destination finale ne peut être que les eaux fraiches et peu polluées de ces deux affluents où ils sont nés et redonneront la vie à leur tour. Pour être persuadé de ce comportement migratoire accéléré une fois passé Navarrenx, il suffirait que l’ONEMA ou Migradour, équipent une petite dizaine de saumons piégés dans la passe de Masseys, d’émetteurs de radiopistage miniaturisés, pour connaître avec précision, leur vitesse de remontée vers l’amont. Une telle expérience a bien été réalisée l’année dernière sur la Dordogne pour suivre la montaison des lamproies.

Cette année, donc entre le 12 mars et le 31 juillet, 317 saumons ont été déclarés capturés à la ligne sur le gave d’Oloron, 32 sur le Saison et 8 sur la Nive, soit 357 au total pour les cours d’eau « autorisés » à cette pêche dans le département des Pyrénées Atlantiques. Dix neuf de ces poissons ont été graciés et remis à l’eau, devant témoins ou « go pro »…D’après la Fédération 64, en matière de techniques de pêche, la répartition des captures est la suivante : Mouche: 44%, Cuiller/devon: 34%, Leurres (poissons nageurs, leurres souples): 11%, Ver : 11%. Plus de 90 % des captures ont été réalisées entre l’ouverture et le 10 juin, dans la portion basse du Gave, sur la zone située entre Carresse-Cassaber et Sauveterre-de-Béarn (particulièrement sur les communes d’Auterrive ou Abitain) ainsi qu’en aval de Navarrenx. A l’inverse au mois de juillet en amont de Navarrenx n’ont été enregistrées que 2% des captures de la saison.

Ces statistiques précises, émanant des déclarations obligatoires, sont intéressantes à plus d’un titre. Même à l’ouverture et en début de saison, quand l’eau est froide, haute, voire teintée et que sa température varie entre 5 et 8 °c, conditions qualifiées autrefois d’eau à « ferraille », une majorité des pêcheurs actuels ne pratiquent qu’à la mouche, question plus de mode direz-vous, que d’efficacité. Quoi que….car les grands tubes colorés type « norvégiens » propulsés à longueur de journées, par de très bons lanceurs maniant à la perfection le style scandinave de lancer avec des 15 ou 16 pieds carbone, passent beaucoup plus de temps dans l’eau et s’accrochent beaucoup moins que les ondulantes ou les lourds devons d’autrefois. Mais s’agit-il encore de pêche à la mouche ? Battre les courants du Bidala ou du Bas de Laas, avec des soies hyper plongeantes de type S 5 ou S 6 quand ce n’est pas plus lourd, dénature à mon avis l’action de la pêche au fouet. Personnellement, je préfère en début de saison et par eau froide ou forte, pêcher au lancer, à la ferraille, avec une canne légère et un moulinet tournant ou un tambour fixe. J’y prends beaucoup plus de plaisir qu’à manier ces 15 ou 16 pieds équipées de « shooting heads » hyper denses, qui si le vent est mal placé et que vous n’êtes pas un expert de casting, peuvent vous arracher une oreille comme de rien…

J’avais pourtant été enchanté de retrouver le Gave, ces deux dernières années avec de surcroit quelques saumons dans les bas de la rivière, et surtout cette ambiance de pêche publique, qu’on ne trouve qu’en Béarn. Et j’espérai qu’à partir de juin et surtout en juillet, je pourrais comme autrefois, peigner en « greased line » ou soie flottante si vous préférez, les splendides courants qui se succèdent entre Navarrenx et Oloron quand la température de l’eau a passé les 12 ou 13 °c. Bien sûr, je prends toujours du plaisir, surtout avec une 12 pieds « spliced » en refendu et une soie de 9/10, à promener une petite « poils de blaireau » juste sous la surface, dans les courants de Sus, Dognen, Coutubi, Préchacq, Aren, Orin ou Biteille, mais de Paris, cela me revient cher en ferroviaire ou péages et carburant, pour des week-end de bredouilles quasi garanties.

Pierre Affre